Le cabinet conseil américain MMC a procédé à une large étude auprès de 280 sociétés américaines et européennes dont les résultats récemment publiés* bouleversent les idées reçues. 45% seulement de celles qui ont réduit leurs effectifs voient leurs résultats s'améliorer, alors que les autres stagnent (24%), déclinent (20%), ou ne peuvent ou ne veulent fournir de réponse (11%).
C'est la baisse du moral et de la motivation des salariés épargnés qui est généralement à la base des mauvaises performances constatées là où les chefs d'entreprise espèraient des gains de productivité.
Cette politique est d'ailleurs condamnée par les milieux boursiers. Les auteurs rappellent qu'une autre étude récente, cette fois sur 1000 grandes entreprises américaines "a permis de montrer clairement que, sur le plan boursier, un dollar économisé n'a pas la même valeur qu'un dollar gagné. Les investisseurs préfèrent de loin les entreprises qui ont amélioré leurs résultats en faisant progresser leur chiffre d'affaires à celles qui l'ont fait uniquement en réalisant des économies."
Plutôt la croissance ?
94% des dirigeants américains interrogés le pensent, mais 50% des sociétés figurant au classement de l'hebdomadaire économique Fortune n'ont pas pu, entre 1988 et 1993, se développer au rythme de l'inflation et du PNB. En revanche, les groupes qui se comportent bien peuvent se trouver dans des secteurs difficiles comme dans les secteurs de pointe et leur âge n'est pas un facteur déterminant. Les vieux vont parfois plus vite que les jeunes...
L'ouvrage fournit quelques clés pour ouvrir aux entreprises les portes d'une croissance solide :
- bien gérer"l'actif clients" , richesse encore trop négligée par un management essentiellement préoccupé par la réduction des coûts.
- développer l'innovation, en élargissant sa recherche dans les structures.
- être attentif aux canaux de distribution des produits, afin d'en optimiser la satisfaction et la motivation.
Oui, mais chez nous ?
Les perspectives ainsi tracées sont certes attrayantes, en ces temps d'accroissement du chômage et d'interrogations stériles sur les politiques à mener. Cependant, il est intéressant de noter les différences d'appréciation sur les conditions nécéssaires à cette mutation. Aux Etats-Unis, on insistera sur les qualités de stratège et de visionnaire du dirigeant et sur sa capacité à faire partager ses options par l'ensemble du personnel. En France, si cet aspect est aussi présent dans les analyses, c'est encore au second plan. Le poids de l'héritage économique, fait de lourdeur administrative, de centralisation, d'étatisation excessive amène une reflexion d'un autre type.L'entreprise est présumée subir son environnement, et reporte naturellement sur lui l'essentiel de ses difficultés. Elle devient un acteur incompris de la vie économique et la période que nous traversons en fournit tous les jours l'illustration.
Jean-Jacques Pirez
(*)"Croître.Un impératif pour l'entreprise" par D.Gerz et J.Baptista aux Editions du Village Mondial, janvier 1996.